Les jeunes et le vélo
L’usage du vélo et les infrastructures cyclables à Bruxelles ont connu une belle croissance ces dernières années. Est-ce que les jeunes (14 à 17 ans) ont également adopté le vélo comme moyen de déplacement ? Comment voient-ils le vélo à Bruxelles ? Comment l’école peut-elle agir pour promouvoir le vélo auprès des jeunes ?
Dans le cadre de sa campagne de sensibilisation Mov’in the City[1], l’asbl COREN a mené l’enquête auprès de 824 élèves âgés de 14 à 17 ans fréquentant 17 écoles bruxelloises différentes (Fig. 1).
Figure 1: Répartition des 17 écoles bruxelloises dans lequels l’asbl COREN a soumis l’enquête vélo entre 2020 et 2022 dans le cadre de sa campagne Mov’in the City
Les jeunes savent-ils rouler à vélo ?
D’après notre enquête, 95% des 14-17 ans savent rouler à vélo. Parmi ceux-ci, près de 40% ont appris à rouler avant leurs 5 ans et la majorité d’entre eux savaient déjà rouler à 7 ans (76%). Il y a malgré tout un pourcentage non négligeable de ces jeunes (11%) qui ont appris à rouler assez tardivement (après 10 ans) (Fig. 2). La majorité a appris à rouler dans le cadre familial (80%) (Fig. 3). 8% d’entre eux ont appris à rouler dans le cadre scolaire.
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Les jeunes utilisent-ils le vélo pour se déplacer ?
Entre 14 et 17 ans, le vélo est une réelle option pour les jeunes pour se déplacer en toute autonomie. Il leur offre la liberté de se déplacer rapidement, sur des distances relativement longues (suffisantes pour rejoindre n’importe quel endroit de Bruxelles) et souvent plus efficacement qu’avec les transports publics. L’utilisent-ils pour autant ? Et bien pas vraiment.
Seulement 3% des jeunes de 14 à 17 ans utilisent le vélo comme moyen de déplacement principal (Fig.4). Ce pourcentage est assez similaire à celui estimé pour l’ensemble des bruxellois (4%, Monitor 2019). Les jeunes ne sont ni plus ni moins attirés par le vélo que la moyenne des bruxellois. S’ils ne sont que 3% à utiliser le vélo comme moyen de déplacement principal, ils sont plus nombreux à l’utiliser de manière régulière ou occasionnelle : 13% utilisent le vélo une fois par semaine et 14% l’utilisent une fois par mois. 60% des 14-17 ans utilisent très peu le vélo (quelques fois par an voire moins) et 10% ne l’utilisent jamais (Fig.5).
Quand on analyse les motifs de leurs déplacements à vélo, on observe que les jeunes l’utilisent bien plus volontiers pour se balader, faire du sport ou lors de la Journée Sans Voiture que pour se déplacer vers une destination précise. Pour beaucoup de jeunes, la Journée Sans Voiture semble être l’unique occasion de l’année pour rouler à vélo (Fig. 6). Notons que l’utilisation du vélo pour se rendre à l’école est la proposition qui a le moins de succès alors que la majorité des jeunes habitent à des distances tout à fait raisonnables de leur école (< 4 km).
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Qu’est-ce qui freine les jeunes à utiliser le vélo ?
Notre enquête ne donne pas une réponse exhaustive à cette question mais elle donne néanmoins quelques pistes.
Premièrement, il y a la question de la possession d’un vélo. De nombreux jeunes ne possèdent pas de vélo personnel (41%), ce qui est déjà un frein important à l’utilisation régulière du vélo comme moyen de déplacement.
Deuxièmement, il y a l’aptitude à rouler dans la circulation. Entre se balader à vélo (le plus souvent, dans des endroits sans voitures ou avec peu de circulation) et rouler dans le trafic, il y a une différence notable. N’étant pas encore conducteur de voiture, la plupart de ces jeunes n’ont qu’une connaissance rudimentaire du code de la route et ont peu de pratique de la circulation. Parmi les 95% qui savent rouler à vélo, 31% reconnaissent ne pas être à l’aise pour rouler en ville.
Troisièmement, il y a les freins psychologiques (avérés et moins avérés). D’après l’enquête, les facteurs qui les découragent le plus sont les conditions météorologiques, le sentiment d’insécurité sur la route et l’effort physique (Fig. 7). Ces affirmations concordent assez bien avec les facteurs qui les encourageraient le plus : moins de voiture, de meilleures infrastructures, avoir un vélo électrique (Fig. 8).
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Si les jeunes ont bien conscience des bienfaits du vélo pour l’environnemental et la santé (Fig. 9), dans la pratique, ils l’associent plutôt au loisir.
Figure 9
Quel rôle l’école peut jouer dans la promotion du vélo ?
Les résultats montrent qu’il y a encore un grand potentiel d’action dans la promotion du vélo auprès des 14-17 ans. L’école étant la destination principale de tous les jeunes, elle peut évidemment jouer un grand rôle dans la promotion du vélo. La promotion passe à la fois par l’éducation, la sensibilisation et l’amélioration des infrastructures.
En matière d’éducation, notre enquête montre que l’école est déjà le lieu d’apprentissage du vélo pour 8% des jeunes. Depuis quelques années, l’éducation au vélo prend un essor important au sein des écoles fondamentales et secondaires. Au niveau secondaire, les formations au vélo dans le trafic ont tout leur sens pour apprendre aux jeunes les notions du code de la route et les bons réflexes pour rouler en toute sécurité et, ainsi, les mettre en confiance pour se déplacer à vélo de manière autonome. Le plus souvent, ces formations sont intégrées dans le cours d’éducation physique. Des asbl telles que Pro Velo peuvent aider les écoles dans cette démarche (soit en formant directement les élèves, soit en formant les professeurs d’éducation physique lors des formations IFC). En complément des formations au vélo, les écoles peuvent organiser des initiations à la mécanique vélo et rendre les élèves capables d’effectuer eux-mêmes l’entretien et les réparations de base de leur vélo. L’asbl CyCLO ou Les Ateliers de la rue Voot peuvent aider les écoles dans ces projets. Pour donner du sens à ces formations, les écoles peuvent mettre les acquis en application en effectuant certains déplacements scolaires à vélo (le trajet vers la piscine ou la salle de sport, faire une excursion à vélo, faire un voyage scolaire à vélo). Si nécessaire, l’école peut se constituer une petite flotte de vélos pour équiper les élèves qui n’en ont pas.
En matière de sensibilisation, les écoles peuvent organiser des actions qui donnent envie aux élèves de venir à l’école à vélo. Par exemple : atteindre collectivement en 1 semaine un certain nombre de kilomètres effectués à vélo, récompenser l’ensemble de l’école si X pourcent des élèves viennent à vélo un jour donné. Pour encore mieux stimuler les élèves à venir à vélo, l’école peut organiser ponctuellement (ou plus régulièrement) un vélobus ; venir en groupe à vélo peut rassurer les élèves un peu moins en confiance et rendre le trajet plus convivial.
Et enfin, en matière d’infrastructure, il est important que l’école dispose d’un parking sécurisé (et accessible !) pour que les élèves puissent ranger leur vélo. Equiper le parking de matériel de réparation d’urgence peut être un plus (pompe, clés de serrage, etc.). Impliquer les élèves dans la décoration du parking (par exemple avec des fresques murales) et l’inaugurer ensuite en grande pompe est une bonne manière de les faire adhérer au projet et leur donner envie de l’utiliser. Il est important de vérifier si les infrastructures aux abords de l’école sont suffisamment sécurisées pour les cyclistes et ne pas hésiter à contacter le service mobilité de la commune le cas échéant.
Les écoles bruxelloises qui souhaitent mettre en place des actions en faveur du vélo et de la mobilité durable en général peuvent s’inscrire dans la démarche des Plans de Déplacements Scolaires de Bruxelles Mobilité et, par ce biais, se faire accompagner et conseiller par une asbl spécialisée (dont l’asbl COREN), recevoir du matériel (vélos, arceaux, piste de circulation, etc.), des formations, des animations et des services. Indépendamment des Plans de Déplacements Scolaires, les écoles bruxelloises peuvent aussi recevoir du matériel et des subsides via l’appel à projets de la Semaine de la Mobilité. Du côté des écoles wallonnes, celles qui ont un Référent Education Mobilité et Sécurité Routière formé par la Région Wallonne peuvent également répondre à l’appel à projets EMSR pour financer des actions en faveur de la sécurité routière et de la mobilité durable.
[1] Depuis 2016, l’asbl COREN organise la campagne Mov’in the City pour les élèves de 3ème, 4ème et 5ème secondaire en Région de Bruxelles-Capitale. L’objectif de cette campagne est de sensibiliser et éduquer les jeunes bruxellois à la multimodalité à travers des débats, une formation vélo-trafic (donnée par Pro Velo) et un grand jeu inter-école dans Bruxelles à l’aide d’un app mobile.